Des débuts judiciaires
Tai Sing v. Maguire
Tai Sing a contesté le droit du recouvreur de taxes local à Victoria, Colombie-Britannique, de saisir et de vendre sa propriété sous la Chinese Tax Act (loi sur les taxes imposées aux Chinois), qui avait été créée par l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique en août, 1878, pour énumérer et taxer tous les Chinois vivant dans la province.
La loi provinciale exigeait, entre autres, que « toute personne chinoise de plus de douze ans devait obtenir un permis tous les trois mois, pour lequel elle doit payer la somme de dix dollars, en avance, pour utilisation par Sa majesté, ses héritiers et successeurs. »
La loi établissait également que les employeurs de Chinois pouvaient être tenus responsables si ses employés ne payaient pas la taxe, et que leur propriété et d’autres possessions pouvaient être saisies. De plus, les personnes chinoises qui violeraient cette loi pouvaient être forcées d’effectuer des travaux publics à un taux de cinquante cents par jour jusqu’à ce que la taxe soit payée, et on pouvait aussi leur exiger de payer d’autres frais pour couvrir leurs aliments, les salaires des gardiens et pour l’utilisation d’outils pendant qu’ils étaient à l’œuvre pour payer leur dette.
Tai Sing a contesté la constitutionnalité de la Chinese Tax Act (loi sur les taxes imposées au Chinois) et le juge J. Hamilton Gray, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a soutenu que la loi était au-delà des pouvoirs – ultra vires – de l’assemblée provinciale. Il a aussi affirmé que seulement le gouvernement fédéral avait le pouvoir de légiférer en matière d’extranéité, d’affaires et de commerce et de signature de traités. « Cette Loi est entièrement au-delà des pouvoirs de l’assemblée locale, et elle est, par conséquent, inconstitutionnelle et nulle », a écrit le juge Gray dans sa décision.
La Loi sur la taxation imposée aux Chinois de 1878 a été abrogée suite à la décision du juge Gray, mais celui-ci a complètement omis d’aborder le traitement discriminatoire accordé aux Chinois sous la loi. D’une manière importante, cela a laissé la porte ouverte pour que des lois fédérales soient utilisées pour discriminer les Chinois, et cela est arrivé sept ans plus tard avec la première taxe d’entrée imposée par le gouvernement fédéral aux Chinois.
R. v. Wing Chong
L’Assemblée législative de la Colombie-Britannique ne s’est pas laissé décourager suite à sa première tentative de limiter les Chinois, et elle a continué d’adopter une myriade d’autres lois pour les désavantager politiquement, économiquement et juridiquement.
En 1884, la législature de la Colombie-Britannique a adopté la Chinese Regulation Act (Loi réglementaire concernant les Chinois), créant une taxe annuelle de 10$ imposée à toute personne chinoise de plus de quatorze ans, définissant la cible de cette loi comme « tout natif de l’Empire chinois ou de ses possessions qui ne soit pas née de parents britanniques, et cela inclura toute personne de la race chinoise. »
La Regulation Act est allée plus loin que la seule imposition d’une taxe racialement discriminatoire : elle a aussi interdit l’émission de permis aux Chinois pour une ample variété d’occupations, a prohibé l’exhumation de corps chinois, manifestement pour les retourner en Chine, et a imposé des limitations aux dimensions des logements habités par des Chinois. Également, la loi comprenait un plus haut prélèvement imposé aux Chinois qui déposaient une demande de « certificat de minier libre », établi à 15$ alors que le reste des gens payaient 5$.
La Chinese Regulation Act (Loi réglementaire concernant les Chinois) de la Colombie-Britannique a aussi fait l’objet d’une contestation devant les tribunaux moins d’un an avant son adoption.
Le cas R. v. Wing Chong (1885) a été entamé par un Chinois à qui on avait imposé une amende de 20$ pour ne pas avoir payé la taxe annuelle. Chong a argumenté contre la constitutionnalité de la loi, faisant valoir qu’elle violait la juridiction fédérale sur les droits des étrangers et sur les échanges et le commerce. Il a été aussi argumenté que la loi introduisait un mécanisme de taxation inégal. Chong a aussi soutenu que l’intention de la loi n’était ni d’obtenir des revenus ni d’assurer des fonctions policières, mais plutôt d’empêcher que plus de Chinois immigrent en Colombie-Britannique et d’encourager ceux qui s’y trouvaient déjà à partir.
Le Procureur général de la Colombie-Britannique a cependant argumenté que la Regulation Act portait purement sur la taxation et que, par conséquent, elle était dans les droits de la province.
La cour a décidé que la Regulation Act était ultra vires des pouvoirs de légiférer de la province et elle a été déclarée inconstitutionnelle et abrogée.
Des précédents sont établis
D’autres cas, tel Union Colliery v. Bryden (1899), dans lequel un actionnaire d’une compagnie a cherché à bannir les Chinois de certains types de travail dans les mines de charbon de la Colombie-Britannique, et Cunningham v. Homma (1901), dans le cadre duquel on a contesté les lois de la province sur le droit de vote, ont établi des précédents juridiques qui allaient affecter le statut des Chinois au Canada et leur position devant les tribunaux pendant des décennies.
Les décisions judiciaires et celles du Conseil privé dans le cadre de ces deux cas ont continué à définir la juridiction dans le domaine des « étrangers ou des sujets naturalisés », particulièrement en ce qui a trait aux droits attachés à chacun de ces deux statuts.
Des lois discriminatoires ont été adoptées dans diverses juridictions partout au Canada contre les Chinois. Dans de nombreux cas, la communauté sino-canadienne a fait de son mieux sous les circonstances et sur la base du statut et des droits réduits de ses membres pour contester la loi elle-même.
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