Des étrangers perpétuels
Les attitudes à l’endroit des Chinois variaient à travers le Canada mais, en 1885, lorsque le chemin de fer transcontinental Canadien Pacifique a été complété avec l’aide des Chinois, c’est une attitude d’opposition – particulièrement en Colombie-Britannique – qui a commencé à teinter les opinions contre leur présence en ce pays relativement jeune.
Dans un discours à la Chambre des communes le 4 mai 1885, le Premier ministre John A. Macdonald a argumenté pour l’exclusion des Chinois du Canada, malgré qu’il ait précédemment appuyé leur présence pendant la construction du chemin de fer Canadien Pacifique.
« Lorsque le Chinaman vient ici, il a l’intention de rentrer à son propre pays ; il n’emmène pas sa famille avec lui ; il est un étranger, il séjourne en terre étrangère, pour ses propres buts pendant un certain temps ; il n’a pas d’intérêt commun avec nous », a déclaré Macdonald devant ses confrères députés. « Un Chinaman nous donne son labeur et il reçoit son argent, mais cet argent-là ne fructifie pas au Canada ; il ne l’investit pas ici, mais il le prend avec lui et il rentre en Chine… il n’a ni des instincts britanniques ni des sentiments ou aspirations britanniques et, par conséquent, il ne devrait pas avoir un vote. »
Les remarques de Mcdonald, et la fausse représentation de l’intention de nombreux immigrants chinois de rester et s’établir au Canada, coïncidaient avec le débat national sur « la question chinoise » et les travaux en cours de la Commission royale sur l’immigration chinoise (1885).
Alors que la plupart des témoignages enregistrés par les commissaires, MM. le juge John Hamilton et J.A. Chapleau, se concentraient sur la racialisation des Chinois et leur caractérisation comme « des étrangers perpétuels », les commissaires ont aussi interviewé le consul général chinois à San Francisco, qui représentait la Cour impériale chinoise.
Les commissaires ont aussi décidé de partir en mission de collecte d’information en Californie pour étudier les expériences des États-uniens avec les Chinois, sachant fort bien que les Etats-Unis avaient adopté leur propre Loi d’exclusion des Chinois en 1882.
La perspective chinoise
Pendant la mission, les fonctionnaires ont consulté le Consul général Huang Tsun Hsien à San Francisco, au lieu de mener leur enquête par l’entremise du Conseil privé et de la délégation chinoise à Londres, ce qui aurait pris considérablement plus de temps. Lorsqu’on lui a demandé de faire des commentaires à la fin de l’entrevue, Huang a fait la déclaration suivante :
« Question : Avez-vous d’autres informations à véhiculer ? Réponse : J’aimerais dire ceci : Que l’on prétend que les Chinois n’émigrent pas vers d’autres pays pour y rester, mais seulement pour gagner une somme d’argent et rentrer chez eux en Chine. Cela fait seulement trente ans depuis que nos gens ont commencé à émigrer vers d’autres pays… Vous devez vous rappeler que l’immigrant chinois qui vient en ce pays connaît un déni de tout droit et privilège garantis à d’autres sous la forme d’une citoyenneté : les lois les obligent à demeurer étrangers. Je connais un grand nombre de Chinois qui seraient heureux de rester ici permanemment avec leur famille, si on leur permettait d’être naturalisés et de bénéficier de privilèges et de droits. »
Les remarques de Huang ont été presque oubliées dans l’histoire officielle du Canada, mais elles sont importantes et ont constitué une mise en garde contre les décennies postérieures d’un racisme officiel contre les Chinois au Canada qui a été largement soutenu par une législation discriminatoire.